mardi 18 mai 2010

Mémoires de Provence....

 Au début du mois de Février, je participais à la reprise et à la protection de Montpellier suite à la déchéance du Félon Ryllas. Lors de cette petite campagne militaire, le Général Adrien Desage, alors encore Sénéchal, me fit part de son désir de rejoindre le front Provençal. Il faut savoir que, quelques mois plus tôt, j'avais donné ma parole au Vicomte Actarius de l'y rejoindre dès que j'en aurai la possibilité, aussi je demandais au Lieutenant Christina la permission de prendre congé et de suivre le Baron Desage en Provence.

Il me fut confié un mandat contenant vivres et équipements pour les troupes languedociennes - une dizaine de soldats de tout le Languedoc - parties sous les ordres d'Adrien. Nous fîmes routes par Nîmes, ce fut assez rapide. Les premiers jours en Provence me laissent un souvenir passablement flou : j'étais malade, je crois, et affaiblie par plusieurs semaines en plein air sans y être duement préparée, mais quelques jours d'exercice finirent par me remettre d'aplomb et la chaleur de la camaraderie au sein de l'armée du Général Nkhan eu bientôt raison de mes dernières faiblesses.

Ma première bataille eut lieu sous les portes d'Aix en Provence. Je garderai toujours le souvenir de cette intense cacophonie de métal, où l'on reconnaît à peine alliés et ennemis, et où toute gloire est envolée au profit du seul instinct de survie. On frappe et on tranche dans le vif pour rester en vie. Croyez-moi, la guerre est laide, quelque soit le bord auquel on appartient. En face, ce n'était guère des soldats, mais souvent des paysans, trompés par leurs dirigeants, aveuglés par le Sang Nom, beuglant des désirs de liberté et d'indépendance sans comprendre la trahison qu'ils commettaient envers leur Empereur et le Très-Haut. Ces pauvres hères étaient sincères, mais qu'est la sincérité au fil d'une épée ?
Cette bataille dura plusieurs jours. Durant les premiers jours, la Princesse Armoria fut rappatriée à Arles, bientôt suivie par de nombreux soldats Languedociens. Il semble que nous étions toujours les premiers, en première ligne pour nous battre, en première ligne pour rejoindre les infirmeries... J'ai encore les dents serrées de voir ainsi nos rangs se clairsemer sans rien y pouvoir faire. C'est à ce moment-là, d'ailleurs, que je me suis jurée de devenir médecin à mon retour au pays, et je tiendrai cette promesse.

Première bataille, mais aussi première blessure de guerre. En entendant un soldat hurler la chute du Général Adrien, mon attention fut momentanément détournée, et un ennemi en profita pour me blesser à la jambe droite, qui boite désormais, même si l'exercice atténue ce handicape. Je fus rappatriée sous les tentes blanches des Hospitaliers, sous les murs d'Arles, où la Princesse Armoria officiait en toute simplicité comme infirmière. C'est un tableau insolite que de la voir diriger son petit monde, dans un environnement saturé de râles et d'odeurs nauséabondes, avec le même sang froid dont elle use probablement à la cour. C'est une grande Dame. J'admire son courage, sa détermination, sa droiture et sa franchise. On peut surement lui reprocher beaucoup de choses, mais enfin elle fut là lorsque les troupes avaient besoin d'elle, première en ligne, perchée sur son cheval, et première à l'arrière des lignes à dispenser tout le réconfort qu'elle pouvait.

Je suis restée une quinzaine de jours sous ces tentes, avec les autres Languedociens blessés. Pendant ce temps, le reste de nos troupes fit marche arrière et vint renforcer nos positions à Arles. Il ne faut pas croire qu'Arles était calme : tous les jours, ou presque, les villageois se révoltaient et tentaient de reprendre la ville aux envahisseurs, nous. Je peux difficilement décrire le mélange de pitié et de compassion que ces gens m'inspiraient : j'en aurais fait autant pour défendre Lodève, je le savais, mais pour autant, nous ne pouvions pas les laisser agir. Ce fut une période difficile. Les Arlésiens organisaient la résistance, le marché n'était plus approvisionné, car des filières parallèles et clandestines étaient organisées pour nous affamer : nous ne pouvions compter que sur nos propres réserves et les dons envoyés par le Languedoc. Là encore, c'est une étrange sensation que d'être réduit à mendier sa nourriture aux chariots qui passent. J'ai eu de la chance, je j'ai jamais manqué de rien, mais la viande, les fruits, tout ce qui n'était pas du pain raci et de l'eau, tout cela n'était plus qu'un doux rêve lointain.

Un ultime assaut sur Aix fut lancé en vain avant qu'on ne se décide à un repli définitif sur Arles, dans l'attente des renforts Français.
Nous sommes restés ainsi de nombreuses semaines, pour finir assiégés par pas moins de trois armées ennemies ! Nous avons tenu bon, plusieurs jours durant, repoussant même l'une d'elle dans les terres provençales. Finalement, les menaces qui pesaient sur le Languedoc, et contre lesquelles nous croyons le protéger, se sont abattues sur lui, et une armée venue de Provence menaça bientôt Nîmes puis Alais.

C'est donc à nouveau sur le pied de guerre que nous sommes revenus au pays, le coeur inquiet mais réjouit de revoir ce ciel et cette terre pour laquelle nous nous sommes battus, trois mois durant, loin des nôtres.


Extrait du journal de Maëlie, Sergent de Lodève, soldat des troupes francophones en Provence.

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